Je ne pourrai pas aller en permission maintenant, il en part un par jour par ordre d'ancienneté au 127°. Je suis le 150° environ.
Pages 51 et 52 du carnet de Léon Mellard |
(Hier une patrouille est allée) planter un piquet avec des
journaux et une lettre attachés en haut, et ils ont mis un pain à côté.
J'ignore ce qu'il y a d'écrit sur la lettre, quant aux journaux il y a 'Le
Matin' et 'Le Petit Parisien'. Le paquet a été mis à une centaine de mètres de
la tranchée allemande.
Avant hier un obus est tombé dans le poste d'écoute voisin,
mais n'a pas éclaté. Ceux qui y étaient l'ont échappé belle.
(Mon) frère Pierre a été blessé le 26 avril à 6H (du) soir
au Bois des Caures près de Verdun. Il a été blessé dans le dos par un shrapnel.
Il est à l'hôpital à Valence (Drôme). Il se plaint d'être beaucoup gêné de la
respiration. Je pense qu'il a le poumon atteint. Espérons qu'il guérira vite et
complètement.
Rien encore d'Hélène ni de Liévin.
Mr Morin serait prisonnier (2 ans) paraît-il pour avoir
voulu communiquer avec les Français. On cause, sur les journaux, de donner des
permissions aux soldats sur le front.
10 Juillet :
Je ne pourrai pas aller en permission maintenant, il en part un par jour
par ordre d'ancienneté au 127°. Je suis le 150° environ.
Rien encore de Liévin.
(page 52)
Mercredi 14
juillet : Quel changement ! Il y a un an à pareille date j'étais
bien loin d'ici, loin de penser, de deviner cette guerre, cette misère, cette
longue séparation.
(Le) 14 juillet 1914 restera toujours gravé dans mon cœur et
(le) 14 Juillet 1915, quelle différence !
D'un côté le bonheur, l'amour ; de l'autre, le malheur,
la mort.
Quand donc sera finie cette guerre, quand donc pourrai-je,
comme il y a un an, presser mon Hélène bien aimée sur mon cœur, de toutes mes
forces.
Mon Dieu, faites que ce soit vite, protégez nous, sauvez
nous !
16 juillet 1915 : Nous voici en 1° ligne. Quelle
vie ! De la boue jusqu'à mi-jambe ou de l'eau jusqu'au dessus des genoux.
Il pleut depuis 2 jours, il ne faut pas demander ce que ce sera en hiver.
![]() |
Pages 53 et 54 du carnet de Léon Mellard |
(page 53)
Lundi 19 juillet 15 :
Nous voici au village. Nous avons été travailler cette nuit à 6 km d'ici.
Partis à 8H on est rentré ce matin à 4H *** (illisible).
Je crois que nous y allons encore ce soir. Je suis allé à la
grand messe à 9H1/2 hier.
Rien encore de Liévin, que c'est long !
Rien de nouveau ici.
Nous sommes à Guyencourt. Nous étions à Villers-Tronqueux
aux tranchées. On est ici à 8 km de Berry-au-bac.
Rien reçu de Charles depuis le 5 juin.
On dit qu'il ne reste plus que 500 habitants à Liévin. Si
seulement Hélène était partie et revenait en France par la Suisse, quel
bonheur.
Jeudi 22 juillet : Reçue hier de Maman la triste nouvelle de la
mort de notre cher Pierre.
Que la volonté de Dieu soit faite et que son âme soit bénie
et repose en paix. Il est décédé le 17 ou 18.
(page 54)
Mardi 27 juillet :
Nous sommes dans le fort de St-Thierry depuis samedi 24 au matin, faire des
tranchées chaque nuit de 8H (du) soir à 3H (du) matin.
Rien de nouveau ici.
Rien encore d'Hélène.
Jeudi 29 juillet : Nous sommes remplacés par la
118° Cie demain soir, paraît-il. Nous irons à 2 km d'ici à Pouillon. C'est à
Tilles (Thil) que nous allons faire des tranchées.
Mercredi 4 août 1915 : Nous sommes toujours au
fort de St-Thierry. Nous partons ce soir à Coulommes La Montagne environ 12 à
15 km au sud d'ici.
Rien encore de Liévin.
Rosa a écrit au 'Télégramme' (journal) pour demander après
Hélène. On lui a répondu qu'Hélène n'est pas sur la liste des personnes restées
en pays envahi et d'écrire à Paris, ce qu'elle a fait. Je crois que le journal
se trompe. Où serait donc Hélène ? Pourquoi n'écrirait-elle pas si elle le
pouvait ?
Sûrement elle est encore, soit à Liévin ou un peu en arrière
mais en France envahie. Vite, vite de ses nouvelles.
Nous allons 20 j. en repos.
Notes et commentaires :
A propos de l'échange de pain, de journaux et de courrier
Cela relève de ce que Anne Geslin-Ferron appelle des 'ententes tacites'. Elle cite cette lettre de Dorgelès de novembre 1914
Nous plantons entre nos tranchées et les tranchées allemandes un drapeau français avec des journaux attachés à la hampe. Parfois une lettre. Un Allemand sans arme vient chercher le "courrier". Le lendemain, ils donnent la réponse, après un drapeau qu'un Français va chercher. Et pour rendre la levée plus palpitante, on tire toujours une cinquantaine de coups de feu sur le facteur.
Voir aussi, un cas d'entente tacite en novembre 1914 cet article consacré au sociologue Robert Hertz et les fraternisations de Noël 1914 dans le carnet de Frédéric B.
Notes et commentaires :
A propos de l'échange de pain, de journaux et de courrier
Cela relève de ce que Anne Geslin-Ferron appelle des 'ententes tacites'. Elle cite cette lettre de Dorgelès de novembre 1914
Nous plantons entre nos tranchées et les tranchées allemandes un drapeau français avec des journaux attachés à la hampe. Parfois une lettre. Un Allemand sans arme vient chercher le "courrier". Le lendemain, ils donnent la réponse, après un drapeau qu'un Français va chercher. Et pour rendre la levée plus palpitante, on tire toujours une cinquantaine de coups de feu sur le facteur.
Voir aussi, un cas d'entente tacite en novembre 1914 cet article consacré au sociologue Robert Hertz et les fraternisations de Noël 1914 dans le carnet de Frédéric B.
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