Mon pantalon était troué depuis que j'ai quitté Liévin (...) Il y avait un trou comme on pouvait mettre ma tête.
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pages 8 et 9 du carnet de Léon Mellard |
(page 8)
Lundi 7h (du) matin
– Nous voici à Limoges dans la cour d'une fabrique de vaisselle.
Quelle chaleur il fait déjà, et dire que la nuit on ne peut
dormir tellement il fait froid et puis couchés sur les planches de fourgons on
se croirait dans un tombereau roulant sur des mauvais pavés. Quelle vie !
Rien à manger, il faut courir quand le train (s')arrête près d'une gare pour
essayer d'avoir du pain et de l'eau, et si possible un peu de pâté ou de
sardine. Ce matin, en descendant de la gare, on nous a donné à chacun une livre
de pain. Maintenant j'ignore ce qu'on va faire de nous. On dormirait ici par
terre si on pouvait.
6h1/2 (du) soir. Nous venons de manger des haricots
et de la viande, c'est bon. Ce matin nous avons eu 3 sardines, du thon et du
fromage de gruyère. On va chercher du vin au concierge à 10 sous le litre. On
en a pour 2 sous au matin et 2 sous au soir. Nous allons coucher sur la paille
en haut. J'espère bien dormir. Nous avons réveil à 5h 1/2 demain. Il vous
faudrait voir les vaisselles qu'il y a de toutes les sortes, c'est bien
curieux. J'ai envoyé une lettre chez moi
cet après-midi, je ne sais si elle arrivera. Si j'avais su j'aurais mis
l'adresse. Il paraît que l'on va rester ici un bon moment.
(page 9)
Je me suis lavé la figure,
les pieds et j'ai pu laver ma serviette, une chemise, un mouchoir et une paire
de chaussettes, mais j'ai dû aller vite, il fallait laisser la place aux
autres ; c'est propre tout de même et c'est sec maintenant.
Mardi 8-9-14 6h 1/2 du matin : Réveil à 5h 1/2, me
suis lavé et on a bu le jus, puis on a fait l'appel. On nous commande :
cavaliers à droite, cavaliers à gauche ; comme c'est bizarre nous qui
sommes affectés pour l'infanterie d'être commandés par des brigadiers et
maréchaux de logis. Puis ils disent : « c'est vrai vous ne savez pas
le faire » et ils ne nous montrent rien. Je crois qu'il leur faudrait un
stage de 6 mois dans l'infanterie. Le capitaine nous a dit ensuite :
« faites remonter vos hommes faire leur litière ». C'est beau,
dîtes !
Mercredi 9-9-14-1h 1/2 : Nous avons fait encore
un peu de gymnastique hier de 12h à 4h 1/2 puis nous avons mangé du rata
simplement avec de la viande. Appel à 8h et ensuite repas jusque ce matin à
5h 1/2. De 6h 1/2 à 9h exercice ; l'on peut appeler ainsi , car nous sommes
ainsi qu'à Caen, tombés sur les deux meilleurs types. On nous commande
« garde à vous !» et immédiatement « repos !». ON est
peut-être 10 minutes sur les rangs que l'on nous dit « rompez les
rangs ! » et alors
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Page 10 et 11 du carnet de Léon Mellard |
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on peut s’asseoir sur le
gazon ; c'est chic cela, dîtes, surtout quand on voit les autres qui
marchent sans arrêt et que l'on entend leurs chefs crier sans cesse. Mon
pantalon étant troué depuis que j'ai quitté Liévin, j'avais déjà dû le
raccommoder dans le train en quittant Etaples mais maintenant il était
impossible de l'arranger, il y avait un trou comme on pouvait mettre ma tête,
on voyait toute ma cuisse alors étant 20 dans le même cas, on a réclamé un pantalon.
Le capitaine s'en est occupé et est revenu avec une dizaine
(de pantalons) que l'on a donné aux plus nécessiteux. J'en ai eu un, c'est un
pantalon de treillis blanc. Ce matin de 9h à 10h 30, notre groupe (50) est sorti
en ville en compagnie des 2 chefs. J'ai dû rester ici avec un autre parce que
mon pantalon était déchiré. Je voudrais bien sortir afin d'acheter une caisse
pour mettre mon linge, etc.
Quant à nos bottines, elles sont bien usées et prennent
l'eau. Je ne sais quand j'en aurai d'autres.
Nous sommes ici 50 et on a 1h pour se laver le matin dans 3
cuvettes (de 5h 1/2 à 6h 1/2), vous voyez quelle affaire ! Maintenant on est
au repos naturellement et le brigadier et un conscrit sont en train de couper
les cheveux.
Jeudi 10-9-14-8h 1/2 : On vient de toucher chacun
7F50 pour les frais de notre voyage. Nous étions partis faire un peu d'exercice
à 2 km d'ici. Nous avions fait 1 km que l'on est
(page 11)
venu nous rechercher pour
toucher. Il paraît que l'infanterie va partir d'ici mais on ne sait pas quand.
Minuit moins 10 : Nous sommes à Périgueux depuis
20 minutes ; je suis venu en première. Il y en a un qui vient de
me dire que les allemands sont à Lens. Quelle guigne ! Vite, que nous
retournions là-bas près des nôtres !
Nous ne savons ce que nous allons faire ici, où on va nous
conduire.
Vendredi 8H (du) soir : Nous sommes dans le
train (...) pour Aubusson. Partis de Périgueux à 11h 1/2 (du) matin nous
sommes repassés à Limoges à 5h 1/2 et nous allons changer à Saint-Sulpice. Quand
arriverons nous ?
Dimanche 12H : Nous venons de manger. Je suis à
Aubusson avec des réservistes et suis logé dans une étable. Je suis arrivé ici
hier matin vers 10h et en gare vers 6h 1/4. Je suis allé à l'exercice hier de 1h
à 4h 1/2 et à la théorie ce matin de 6h 1/2 à 9h 1/2. Nous sommes hors de la ville
sur une hauteur, il faut 25 minutes pour aller en ville.
Notes et commentaire :
La série complète (?) des 5 cartes postales et un petit glossaire sur le Forum Militaire
Le livre de Gaston Esnault - Le Poilu tel qu'il se parle. Dictionnaire des termes populaires récents et neufs employés aux Armées en 1914-1918, étudiés dans leur étymologie, leur développement et leur usage (Paris - Bossard - 1919)
Notes et commentaire :
La série complète (?) des 5 cartes postales et un petit glossaire sur le Forum Militaire
Le livre de Gaston Esnault - Le Poilu tel qu'il se parle. Dictionnaire des termes populaires récents et neufs employés aux Armées en 1914-1918, étudiés dans leur étymologie, leur développement et leur usage (Paris - Bossard - 1919)
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