mercredi 17 octobre 2018

Janvier-Février 1915 - Convalescence

J'ai rêvé toute la nuit de permissions, train, route, vélo et je ne sais.

Pages 28 et 29 du Carnet de Léon Mellard

(page 28) 

(Hier quelques uns d'ici on réclamé à un lieutenant, qui en passant nous a demandé si on avait assez à manger, si le vin est) bon et si le café est assez sucré.

Réclamation : Café pas assez sucré – Insuffisamment de légumes – vin pas très bon (ce qui est vrai). J'ai joué aux dames avec 3 (autres soldats). Un seul m'a gagné 3 parties et je lui en ai gagné 2. Quand pourrai-je jouer avec H. (Hélène).
J'ai acheté une 1/2 livre de beurre sans sel samedi dernier. J'en mets sur mon pain chaque jour au matin. Il ne m'en reste bientôt plus.





Dimanche 17 : J'ai lu hier un livre intitulé « Les prétendants de Claudette » (livre à 1F.00 de ….). C'est très beau (à acheter pour H.).
Aujourd'hui j'ai eu un pantalon de civil et une capote noire de sorte que je suis levé et que je peux écrire à table.
J'ai acheté un encrier 4 sous et il n'est pas grand.
Mardi 19 : Je suis resté levé jusqu'à 9H dimanche. Je suis resté couché hier ayant mal à la tête et le pied gauche me faisant mal (sans doute ayant resté trop longtemps levé dimanche).
Aujourd'hui je suis resté au lit. Je viens d'écrire à Hélène, voilà pourquoi.
J'ai reçu ce matin une lettre de Bruay me disant qu'ils peuvent retourner bientôt à Liévin que les allemands ont quitté. Je ne le croyais pas trop avec tous les bruits qui courent surtout ayant une carte d'un journal illustré du 14-1-15  de sorte que je prenait le 'o' de Lievin pour Givenchy, le 'o' de Lens pour Liévin et celui de Carvin pour Lens (NB les 'o' sont les points matérialisant les agglomérations sur la carte et il peut y avoir ambiguïté si la légende n'est pas placée au bon endroit – Léon a reproduit grossièrement la carte en bas de page avec une séparation qui semble être la ligne de front).
Ce n'est que tout à l’heure après

(page 29)
avoir regardé de plus près et trouvant Liévin mal placé par rapport à Lens Douai et Arras que j'ai trouvé la clef de l'énigme donnant raison à la carte de Marie et me confirmant l'évacuation de Liévin par les allemands.
Je n'ai écrit que quelques mots. J'espère un peu qu'ils arriveront.
Qu'est devenue Hélène, et ses parents, vite, vite, quelques mots, vite, vite.
Jeudi 21 : Vite, vite une lettre de Liévin, vite. Je ne vis plus la même (vie) depuis que je sais cette heureuse nouvelle, cette délivrance. J'ai rêvé toute la nuit de permissions, train, route, vélo et je ne sais.
Vendredi 22 : Hier, en passant l'inspection des cabinets, le major a trouvé qu'ils étaient sales. Il a demandé dans la chambre qui en était l'auteur. Personne ne s'étant dénoncé il a décidé que tous mangeraient dans la chambre (au lieu du réfectoire) et seraient privés de vin. Il est revenu un peu après et a demandé ceux qui n'allaient pas aux cabinets. J'ai levé la main ainsi que 3 autres couchés et nous avons du vin (les autres en sont privés jusque lundi).
Lundi 25 : Je suis allé à la messe à 9H hier dans une chapelle située à 100 m d'ici dans la cour. Je suis également allé aux vêpres à 2H.
Pas bien grande la chapelle, mais jolie.
Je vais faire une lettre à Hélène.
Mercredi 27 : Suzanne est venue me voir hier à 1H jusque 5H avec sa sœur Marie-Louise. Elle est revenue ce matin à 8H jusqu'à 10H1/4.
Je suis allé à la messe à 7H à la chapelle. Suzanne (y est venue, mais est arrivée à la fin)

Pages 30 et 31 du carnet de Léon Mellard



(page 30)
y est venue, mais est arrivée à la fin.
Elle m'a apporté 12 œufs, des petits beurres, du chocolat, un litre de vin et des gâteaux ainsi qu'un paquet d'enveloppes et papier. Nous ne sommes plus qu'une quinzaine et 5 ou 6 vont partir demain.
Il va, paraît-il, arriver des blessés du front.
Le temps me semble long maintenant.
Mercredi 3 février :
Je suis allé à la messe de 9H dimanche et comme j'avais pris une purge à 7H je ne suis pas allé aux vêpres.
Hier mardi je suis allé à la messe qui était à 8H avec 2 autres. Je suis allé écrire un peu à la pharmacie de l'hôpital, située dans la cour, de 12H à 3H1/2. Il n'y a là qu'un caporal bien gentil.
Je n'ai encore rien reçu d'Hélène. Je commence par douter du dégagement de Liévin.
Nous sommes encore 20 dont 6 classe 14 et 1 classe 15. 3 dont 1 classe 14 vont partir tout à l'heure en convalescence.
Nous sommes encore 30 au plus pour l'hôpital sur 133 lits.
Lundi 8 février :
Je suis allé à la messe à 9H et aux vêpres à 1H45 hier dimanche.
Le major avait causé samedi de m'envoyer en permission aujourd'hui ; il m'a fait inscrire pour aller demain au dépôt des convalescents ici à Fontenay.
C'est donc la dernière journée que je passe à l'hôpital.

(page 31)
Jeudi 11 février : Me voici au dépôt des convalescents , caserne du 137 depuis mardi à 3H1/2. J'ai passé la visite hier à 9H1/2, le major me donne quelques jours de repos. J'ai été en promenade cet après-midi, nous avons été arrosés. Je n'espère plus avoir ma permission pour Bruay, le major m'a dit que c'était impossible. Quelle guigne !
Toujours rien d'Hélène. Là non plus je n'espère plus avoir de nouvelles maintenant, quelle guigne !
Lundi 15-2-15 : Je suis allé au salut jeudi 11 et vendredi 12 dans une petite église près d'ici. J'ai eu une médaille vendredi.
Je suis allé à la messe de 9H dans la grande église et aux vêpres à 2H dans la petite hier. Je me suis promené après les vêpres jusque 4H.
Aujourd'hui il y en a un dans la chambre (sur 20) qui vient de rentrer saoul et 5 ou 6 l'on passé au polochon. Il roulait dans tous les coins.
On n'est pas ici aussi bien qu'à l'hôpital, mais on est mieux qu'en caserne.
On ne fait rien du tout et on peut sortir de 5H à 9H. On peut rester couché toute la journée si on veut.
Rien encore d'Hélène.
Vendredi 19-2-15 : Il paraît que Liévin est complètement évacué par les civils. Sur le 'Petit Parisien' d'hier, les boches bombardent les grands bureaux, la gendarmerie et la brasserie Leroy. Des évacués du PdC (Pas de Calais) sont, paraît-il, arrivés ici en Vendée hier. Si j'avais (le bonheur de voir Hélène quelle joie !)

Notes et commentaires :

Arthur Dourliac - Les Prétendants de Claudette (1908)

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